Depuis quelques décennies, l'incidence du diabète, et en particulier du diabète de type 2, ne cesse d'augmenter. Face à cet enjeu majeur de santé publique, les chercheurs tentent de mettre au point des traitements de plus en plus efficaces contre la maladie.
Au-delà de l'insulinothérapie et des médicaments antidiabétiques oraux, il reste une alternative pour les patients atteints de diabète de type 1, la greffe ou transplantation de pancréas, réservée à certaines formes compliquées de diabète.
Lorsqu'une greffe est nécessaire, le traitement de référence des sujets diabétiques de type 1 âgés de moins de 45 ans est aujourd’hui la double greffe rein-pancréas.Apprenons-en davantage sur cette technique qui connaît des avancées spectaculaires.
À qui s'adresse la greffe de pancréas en cas de diabète ?
La greffe du pancréas s’adresse actuellement en France aux personnes atteintes d'un diabète de type 1 instable et/ou compliqué d'une insuffisance rénale terminale. Ces patients souffrent donc à la fois d'un déficit total en insuline et de complications rénales nécessitant la mise sous dialyse ou une transplantation rénale.
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Si moins de 100 greffes du pancréas sont réalisées chaque année en France, c’est en partie parce qu’on a longtemps cru que la seule indication justifiant une greffe de pancréas était de l’associer à une greffe de rein (l’insuffisance rénale étant une complication fréquente du diabète).
En effet, chez les sujets diabétiques, la greffe du pancréas associée à la greffe rénale apporte de bien meilleurs résultats que la greffe rénale seule.
Quelle sont les étapes d'une greffe de pancréas ?
Comme pour toutes les greffes d'organe, il faut un certain temps avant d’obtenir un greffon compatible. Pendant cette période, le patient est inscrit sur une liste d'attente gérée par l'Agence de la Biomédecine.
En ce qui concerne le pancréas, depuis quelques années, le délai d’attente moyen est de moins d’un an. Ce délai peut varier selon le cas spécifique de chaque patient, et selon le type de greffe (greffe de pancréas ou double greffe rein et pancréas).
Du point de vue chirurgical, il faut empêcher le pancréas greffé de sécréter ses enzymes digestives (sucs pancréatiques). Pour cela, on injecte du néoprène dans le canal de Wirsung, ou canal pancréatique principal.
La convalescence suite à l’intervention est d’environ un mois.
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Quels sont les effets de la greffe du pancréas contre le diabète ?
Les résultats obtenus après une greffe de pancréas sont très bons, avec environ 90 % de survie du greffon à 1 an et 70 % à 5 ans.
Le principal avantage de la greffe pancréatique est qu’elle permet purement et simplement de guérir le diabète, c'est d'ailleurs le seul traitement capable de guérir le diabète de type 1. Ce traitement permet de se passer des injections d’insuline en moins d’un an dans 76 % des cas. Par ailleurs, il n’y a plus d'épisodes d’hypoglycémies.
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De plus, suite à une greffe du pancréas, les complications dégénératives sont stabilisées et les fonctions affectées améliorées, notamment les fonctions neurologiques et rénales (les résultats sont moins évidents sur les rétinopathies).
Néanmoins, elle n’est pas dénuée d’inconvénients. La greffe du pancréas entraîne en effet de nombreuses complications et le risque de mortalité existe (même s’il reste assez faible). Il est toutefois moins important chez le patient greffé que chez le patient diabétique dialysé.
Il faut aussi savoir que la greffe du pancréas, associée ou non à une greffe de rein, impose la prise d’un traitement immunosuppresseur à vie.
Une alternative : la greffe d’îlots de Langerhans
Une nouvelle approche consiste à ne greffer que les cellules utiles, les cellules bêta du pancréas (îlots de Langerhans ou îlots pancréatiques, qui représentent 3 % de son volume total), au lieu de l’organe entier.
Ces cellules endocrines synthétisent plusieurs hormones : l’insuline, le glucagon, la somatostatine et le polypeptide pancréatique.
Pour qui ?
Cette fois encore, la greffe des îlots de Langerhans est réservée :
- aux personnes souffrant d’un diabète de type 1 instable, sans insuffisance rénale terminale associée ;
- aux diabétiques présentant une variabilité glycémique irréductible et des épisodes d’hypoglycémie sévère malgré l'utilisation d’une pompe à insuline (le pronostic vital peut être mis en jeu) ;
- aux personnes urémiques qui nécessitent une transplantation rénale ;
- aux patients ayant reçu un greffon rénal lorsque le taux d’HbA1c atteint ou dépasse 7 % et/ou que les patients ont des épisodes d’hypoglycémie sévère.
Bon à savoir : la greffe de cellules bêta (greffes d'îlots) est de plus en plus pratiquée et elle a rejoint la liste des soins courants en diabétologie (les diabétologues espèrent greffer 200 à 250 patients par an)et il se pourrait que, dans les années à venir, certains sujets diabétiques de type 2 puissent en bénéficier également.
En pratique
Concrètement, on utilise un pancréas prélevé chez un donneur en état de « mort encéphalique ». Les îlots sont dans un premier temps isolés dans une unité de thérapie cellulaire, avant d’être injectés par l'intermédiaire d'un cathéter dans le foie du malade (via la veine porte) sous anesthésie locale. C'est l'infusion d'îlots.
Les cellules transplantées vont ensuite se loger dans le foie, à partir duquel elles vont pouvoir redevenir fonctionnelles. Elles vont ainsi sécréter de l’insuline et permettre la régulation de l’hyperglycémie comme le font des cellules bêta pancréatiques normales.
Le plus souvent, cette opération est renouvelée deux ou trois fois jusqu’à atteindre une masse suffisante de cellules bêta. L’objectif est d’obtenir l’insulino-dépendance du patient, ce qui est possible, dans la moitié des cas, dans les 3 ans qui suivent l’intervention. Généralement, dès la première injection, la stabilisation de la glycémie est immédiatement et fortement améliorée.
Résultats
Grâce à cette technique de transplantation, on évite de nombreux effets secondaires et les risques de complications très importants qui accompagnent invariablement les greffes du pancréas habituelles.Au fil des injections d'îlots, les patients ont de moins en moins besoin d’insuline et ils ne font plus d’hypoglycémies, susceptibles de mettre leur vie en danger.
Inconvénients
Puisqu’il est souvent nécessaire de réaliser deux ou trois infusions d’îlots, autant de pancréas sont nécessaires. Ainsi, il faut deux à trois donneurs pour un seul patient (on injecte en tout de 200 000 à 400 000, la quantité d’îlots optimale étant de 10 000 par kg de poids). Néanmoins, les chercheurs travaillent sur la possibilité de créer des îlots de Langerhans en laboratoire, à partir de cultures cellulaires.
De plus, comme suite à une greffe du pancréas, il est nécessaire de suivre un traitement immunosuppresseur destiné à éviter le rejet des greffes. On utilise des anticorps qui bloquent les lymphocytes responsables du rejet de greffe.
Les chercheurs souhaiteraient éviter le recours à ces traitements lourds. Pour cela, il faut parvenir à éduquer le système immunitaire, de façon à ce qu’il considère la greffe comme faisant partie intégrante de l’organisme.
Par ailleurs, il reste aussi à explorer les meilleures stratégies thérapeutiques de soutien des greffons lorsque la régulation glycémique devient moins bonne après quelques années. Enfin, d’autres sites d’implantation des îlots que la veine porte continuent d’être explorés (intestin et peau notamment).
Où sont pratiquées ces transplantations ?
Cette nouvelle technique est de plus en plus employée et depuis 2020, les greffes d'îlots ne sont plus seulement pratiquées que dans le cadre d'essais cliniques mais bel et bien dans le cadre des soins diabétologiques habituels.
Depuis, tous les patients éligibles à ce traitement peuvent en bénéficier mais seuls huit groupes en France réalisent ce type de transplantations cellulaires, dont :
- le Grrif (Groupe îlots Île-de-France) associe les hôpitaux Saint-Louis et Lariboisière (en association avec le groupe hospitalier de La Pitié-Salpêtrière, l’hôpital Georges-Pompidou et celui du Kremlin-Bicêtre) à Paris ;
- le groupe franco-suisse Gragil, (Groupe Rhin-Rhône-Alpes-Genève pour la Transplantation d’Îlots de Langerhans) qui est centralisé sur Genève ;
- le groupe G4 centralisé à Lille ;
- le centre hospitalier de Grenoble.
Diabète et pancréas artificiel
Une autre alternative thérapeutique mobilise beaucoup les chercheurs depuis quelques années : le pancréas artificiel. Il s’agit d’un système qui automatise les injections d’insuline sans que le patient ait besoin de surveiller sa glycémie.
Pour qui ?
Ce système de pancréas artificiel peut convenir aux personnes diabétiques de type 1 qui bénéficient déjà d'une insulinothérapie grâce à une pompe à insuline. En effet, les endocrinologues estiment que les candidats à cette technique doivent déjà savoir ce qu’est la gestion du diabète en continu, avec la notion de vigilance que cela implique.
De plus, seuls des patients motivés et volontaires pourront bénéficier de ce système.
En pratique
Concrètement, la pompe à insuline (équipée d’une aiguille souple qui mesure régulièrement la glycémie) est reliée au téléphone portable via une connexion Bluetooth. Les informations sont directement envoyées sur le smartphone du patient, qui calcule automatiquement la quantité d’insuline à perfuser.
Résultats
Le dispositif de pancréas artificiel donne de bons résultats et facilite grandement la vie des personnes diabétiques.
Plusieurs patients peuvent rentrer à leur domicile avec ce dispositif.
Inconvénients
Un des problèmes rencontrés avec ce dispositif est son autonomie. Toutefois, ce problème peut être réglé en étant équipé de deux systèmes, dont un pour recharger.
L’autre souci concerne son coût important (plusieurs milliers d'euros), qui actuellement n'est pas pris en charge par l'Assurance maladie.